Les cabales littéraires VS les actes de promotion


Parmi les étapes de la vie d’un texte, la réception constitue un enjeu crucial. Deux sentiers semblent préconçus pour lui : le rejet ou le succès. Seulement derrière ces destins opposés se cachent deux dispositifs dont on vous propose d’analyser les rouages : les cabales littéraires et les actes de promotion.

Alors, comment expliquer que certains livres soient victimes de cabales ? Que certains passent sous les radars ? Peut-on d’ailleurs se fier aux cabales et aux actes de promotion ? Ou mieux vaut-il s’en détacher, et si oui par quels moyens ?

Qu’entendons-nous par « cabales littéraires » et « actes de promotion » ?


Avant toute chose, la cabale désigne en premier lieu un complot, une conspiration élaborée par un groupe d’individus dans le but de nuire. Dans le cas de « cabale littéraire », ce principe s’applique pour saboter la réputation d’un ouvrage. Le terme apparaît pour la première fois dans la langue française au XVIe siècle, dans le prologue de Pantagruel, écrit par Rabelais. Il prend sa dimension littéraire un siècle plus tard, dans la sphère théâtrale. Des exemples fameux nous demeurent en héritage. Le Cid de Corneille par exemple fut vivement critiqué à l’initiative de Richelieu. Le roman Illusions perdues de Balzac est une bonne illustration de ce phénomène, persistant toujours au XIXe siècle. L’auteur dépeint les multiples arrangements entre journalistes, s’avérant tantôt élogieux tantôt critiques à l’égard nouvelles parutions et spectacles pour des motifs fallacieux. Le personnage principal se fait happer par ce système, qui s’avérera finalement dévastateur pour sa maîtresse, comédienne. Par effet de contraste, la promotion vise toujours la valorisation d’une œuvre. Les Surréalistes ont au départ déployé de multiples manœuvres de soutien mutuel, qui ont finalement abouti à l’émergence d’un mouvement littéraire de grande ampleur.


Il faut donc distinguer :

  • La promotion concertée, souvent nécessaire (partager ses impressions, faire la communication d’une œuvre)
  • Et les cabales, hostiles (sabotage volontaire, arrangements, stratégies spéculatives). Il ne s’agit donc pas d’un avis sincère avec des remarques constructives.

Les atouts et inconvénients de la promotion et des cabales


Les actes promotion
Quand on pense à un succès éditorial, on a souvent l’image du génie littéraire solitaire. Mais on a moins de considération pour les réseaux et les stratégies qui existent dans l’ombre. La plupart du temps l’auteur est accompagné dans la parution et la promotion de son ouvrage.
La promotion constitue un immense pouvoir, positif puisqu’il fait connaître des œuvres, mais beaucoup d’autres passent à la trappe, victimes d’un effet de masse important. En effet, environ 400 livres paraissent chaque année au moment de la rentrée littéraire. Et parmi ceux-là, ce sont toujours les mêmes que nous voyons mis en avant dans les librairies.
Malgré tout, pour les ouvrages bénéficiant d’une promotion efficace, les avantages sont conséquents. Comme le dit l’expression : « la foule attire la foule ». Quand apparaît un livre dans la presse ou sur les réseaux, quand celui-ci remporte un prix littéraire ou participe à un salon, on a naturellement envie de la lire. Voilà le cercle vertueux de la promotion littéraire.
Pour autant le succès ne signifie pas toujours qualité littéraire. D’ailleurs, le succès immédiat est différent du canon, rassemblant en théorie les œuvres emblématiques de l’Histoire littéraire. Or même le canon s’appuie sur d’autres critères que la qualité littéraire.

  • Points positifs : elle construit la notoriété des œuvres, démocratise la littérature, conduit à la création d’événements littéraires qui participent au rayonnement de l’écriture et du talent, et guide les amateurs
  • Points négatifs : elle éclipse un bon nombre d’auteurs, ne se fonde pas toujours sur le talent mais sur des stratégies commerciales, nuit au regard critique personnel

Les cabales
Pour rappel les cabales sont par essence des complots concertés, donc par principe elles ne se fondent pas sur des critères littéraires. Ainsi, les cabales peuvent faire mauvaise presse à des œuvres qualitatives.


Paradoxalement elles peuvent avoir un effet valorisant. Elles accroissent malgré elles la curiosité des lecteurs, attirent la sympathie envers l’auteur subissant les critiques. Quoi qu’il en soit, elles font parler de l’œuvre. C’est le retournement du « bad buzz ». L’Histoire littéraire regorge aussi d’exemples illustrant ce phénomène. Prenons le recueil Les Fleurs du mal de Baudelaire et le roman Madame Bovary de Flaubert, tous deux censurés en 1857 après un procès. Ces événements n’ont-ils pas assuré leur notoriété ?

Comment exister sans promotion ni cabale ? Quelques pistes

Le risque pour un livre est donc d’être défini par sa réception, positive ou négative, et pas par sa valeur intrinsèque. À l’inverse certains livres deviennent « transparents ». Ils passent à travers les mailles des critiques et semblent alors démunis lorsqu’il s’agit de rayonner sur la scène littéraire.


Comment exister sans promotion ni cabale ?

  • Les auteurs peuvent commencer par compter sur la qualité de leur production. Attention toutefois car le succès n’est pas garanti, ou peut être tardif.
  • La fameuse technique de l’anonymat ou du pseudonymat peut aussi s’avérer payante, car elle attise la curiosité des lecteurs. C’est ainsi que le roman L’Amie prodigieuse écrit par « Elena Ferrante » est devenu un succès mondial.
  • Les auteurs peuvent aussi contourner les éditions traditionnelles pour publier dans des revues spécialisées, des maisons d’édition indépendantes ou en autoédition.
  • Et il existe encore bien d’autres moyens !

Conclusion : des guides précieux dont on peut se détourner de temps en temps
Les promotions littéraires peuvent permettre à de véritables bijoux d’obtenir la notoriété qu’ils méritent. Pour autant il faut aussi savoir se détacher des influences et partir à la recherche de titres moins mis en lumière. Ils seront peut-être d’aussi belles découvertes. Dans le cas des cabales il faut aussi savoir dépasser les mauvaises critiques pour se forger une opinion personnelle sur un livre.

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